C’est quoi la valeur d’un athlète aujourd’hui ?

C’est quoi la valeur d’un athlète aujourd’hui ?

En 2018, de nombreux facteurs rendent difficile l’estimation de la valeur d’un athlète. Ce n’était déjà pas évident avant, lorsqu’on se basait uniquement sur la valeur sportive. Mais, ça s’est carrément compliqué depuis quelques années, entre l’avènement du numérique et des réseaux sociaux, et les différences de fonctionnement entre tous les sports. Du trail running au VTT, en passant par l’alpinisme, le ski de randonnée ou le parapente, on constate de très grosses différences de valorisation des athlètes. La faute aux marques ou au sport en général ? Chez Outdoor Perspectives, on a voulu faire un point sur la situation dans les sports outdoor. Après des années d’évolution, de tâtonnements et de pratiques variées et parfois surprenantes, le but est de dresser un constat et de donner quelques éléments de réflexion. Alors, ça vaut combien un athlète aujourd’hui ? 

Il y a dix ans, faire des bons résultats suffisait pour attirer les sponsors. De nos jours ce n’est plus suffisant, si on fait des bons résultats, mais que l’on n’est pas présent sur les réseaux sociaux et autres supports de communication, les marques ne s’intéressent plus à nous. À l’inverse, un athlète amateur qui communique bien est un élément attractif pour les marques

La base : pourquoi sponsoriser un athlète ?

La citation ci-dessus est de Julien Chorier, mais le constat est unanime : en 2018, et depuis quelques années déjà, la présence digitale d’un athlète est devenue nécessaire pour que les marques s’intéressent à lui. Le pouvoir de communiquant de l’athlète prend fortement le pas sur ses performances sportives et on attend donc de lui une capacité à être performant dans ces deux domaines. Est-ce là une évolution logique ou des abus du système ?

Depuis longtemps, le sports marketing est un outil puissant pour offrir aux marques des points de contact réels avec les consommateurs, pour que ces derniers s’identifient aux marques et deviennent connectés émotionnellement à elles. Les consommateurs sont particulièrement fiers de leurs héros locaux et sont inspirés par ce qu’ils réalisent. Et le digital permet d’accentuer largement ce processus d’identification. Dès lors, difficile pour les marques de se passer des « services » d’athlètes pour endosser et véhiculer les valeurs fortes de leur société. 

Le marketing d’influence vient brouiller l’équation

Le sports marketing 2.0 serait donc une combinaison de résultats et performances sportives et de communication. Et de là à dire que le mot « marketing » dans le domaine du « sports market' » prend le pas sur l’autre, il n’y a qu’un pas ! Lorsqu’elle recrute un athlète, le rôle de la marque est de fournir des produits performants à ce dernier afin de le mettre dans les meilleures dispositions pour sa pratique. Mais le rôle de la marque est surtout d’activer ce partenariat ! Nous développerons ce point un peu plus bas. Or, l’avénement du digital a bizarrement donné envie à pas mal de marques de l’industrie de l’outdoor d’inverser les rôles : en demandant aux athlètes d’être des ‘influenceurs’, de leur fournir du contenu photo et vidéo régulièrement, etc… Vu comme ça, ça vous parait normal ? 🤔

Alors, s’il est évident que les tendances évoluent et qu’il désormais incontournable pour un athlète de prendre en charge sa propre communication. Qu’il le fasse directement ou qu’il s’alloue les services d’un prestataire pour l’aider/le conseiller dans cette tâche, il doit à la fois préparer son avenir et apporter un peu de Retour sur Investissement à ses partenaires (ROI). Attention, toutefois, à ce que l’on demande à un athlète ou à un ambassadeur d’une marque. Sa mission première reste d’être performant dans son sport, on ne peut pas attendre de lui qu’il soit obligatoirement un influenceur. Il n’a pas été formé pour cela. 

Et sur ce point-là, on constate pas mal de dérives (qui tendent, fort heureusement, à diminuer). On demande des likes, des fans, de l’engagement… Dans quel but ? Comment est-ce que cela sera utilisé, in fine, par la marque. Ne risque-t-on pas de mettre l’athlète dans une situation inconfortable à exiger de lui qu’il poste à tout prix ? Et dans tout cela, un influencer qui a 50 000 followers sur Instagram mérite-t-il davantage qu’un sportif du top 10 mondial qui en a 10 000 ?

Du fait de sa nouveauté, la visibilité digitale est compliquée à estimer sur le plan monétaire. Surtout si l’on a aucun point de comparaison. Une agence de communication d’influence, Influencer MarketingHub, a bien essayé d’y répondre en ce qui concerne Instagram, en mettant au point un « générateur » pour estimer le coût d’une publication selon le profil (idéal pour tester votre capacité d’influenceur !). Des chiffres circulent également : on estime qu’un post Instagram vaut entre 200 et 500 euros pour un influenceur possédant une communauté de 50 000 followers. Mais dans les faits, la négociation est de mise entre sportifs et marques, le tout sous des portes bien fermées. 

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Le jeu a ses limites : 8 % des comptes Instagram existants sont faux, soit plus de 80 millions de comptes.

La valeur, c’est l’impact global notoriété/association à la marque

Si les réseaux sociaux constituent le baromètre le plus couramment utilisé, ils ne sont pas une finalité. L’impact d’un sportif dépasse son nombre de followers. Xavier Thévenard, qui se reconnaît lui-même comme non-adepte des réseaux sociaux, a pourtant un impact important du fait de ses résultats exceptionnels et d’une reconnaissance de son authenticité par la communauté du trail. Ainsi, sa présence limitée sur les réseaux sociaux joue finalement en sa faveur car elle affirme son authenticité. Car un athlète qui s’oublie pour le like ne sera pas de grande utilité pour une marque. Voici un schéma résumant les qualités que l’on peut attendre d’un athlète, et donc l’impact qu’il va produire. Sa valeur monétaire résulte de cet impact.

Une histoire de priorité(s)

La question est alors de savoir quelle est la priorité pour une marque. Plutôt le potentiel sportif ou digital ? Certaines marques misent uniquement sur le potentiel sportif, avec l’idée qu’une empreinte digitale se développera ensuite. D’autres veulent de la visibilité immédiate et se tournent donc vers des influenceurs purs. On retombe alors dans les bases de la communication : quelles sont les cibles et les objectifs de cette opération de communication ? Les définir précisément, c’est se donner une chance de trouver le communicant approprié. 

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La clé : donner à l’athlète les moyens de communiquer

Il est fréquent de constater qu’une marque, avec un team d’athlètes et d’ambassadeurs demande exactement les mêmes actions et retombées à des profils bien différents. Ex : un athlète rémunéré 5000€ par an et un ambassadeur qui bénéficie d’une dotation matérielle de 1000€ sont fréquemment mis dans le même panier. Voilà le genre de situation qui interpelle ! Ainsi, l’athlète devrait animer ses réseaux, faire diverses activations partenaires, mentionner et porter la marque sur toutes ses sorties, etc… pour des contre-parties parfois maigres. Un équilibre s’impose dans ce genre de cas. Et cela suppose qu’un athlète sache communiquer !

Car avant de demander des retombées, il faut donner les moyens à l’athlète de les produire. Souvent, les marques demandent aux athlètes d’être plus que des athlètes, sans fournir les outils pour y parvenir. Les réseaux sociaux, par exemple, ne peuvent plus être animés sans contenu photo et vidéo. Quelles sont les compétences des athlètes en la matière ? Savent-ils qu’une photo aux couleurs claires sera plus efficace qu’une aux couleurs pâles ? Un athlète, pour pouvoir utiliser son potentiel de communicant, a besoin d’être briefé, voir d’être formé. C’est là le rôle de la marque, et ce support qu’elle va fournir à l’athlète a lui aussi une véritable valeur pour ce dernier.

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Sponsoriser, c’est bien ; activer, c’est nécessaire

Au-delà de l’investissement qu’elle fait dans l’athlète lui-même, la marque doit prévoir un budget pour tirer des avantages positifs de son partenariat, en l’activant. En clair, pour 1€ dépensé en sports marketing, 2€ doivent être réservés pour activer ce partenariat à travers différents canaux : campagnes de communication, production de contenu, présence sur des événements, relations presse, opérations trade marketing. Par exemple, sur la dernière Grande Traversée du Mercantour mise en place par Outdoor Perspectives pour Stéphane Brogniart, le partenariat d’Opel, un des partenaires majeurs de l’aventure, a été activé au cours du projet avec un voyage de presse spécialisée organisé, du contenu produit spécifiquement, une activation digitale, de la communication interne, etc. Ce projet a d’ailleurs donné lieu à la réalisation d’un clip spécifique dédié à de la communication interne. 

Sur la question des chiffres (car on se doute que vous êtes impatients de savoir combien gagne Kilian Jornet), nous ne pourrons fournir de réponse… 😤 En effet, la confidentialité nous oblige à un peu de réserve et, surtout, chaque sport est différent. Certains sports sont très médiatiques, ils intéresseront davantage les chaines TV ; d’autres ont des performances sportives incroyables mais sont mal mis en avant par les fédérations, les marques et… les athlètes ! Bref, tout ceci doit être considéré au cas par cas. Mais une chose est sûre, les athlètes peuvent faire beaucoup pour la médiatisation de leur sport, pour peu que leurs partenaires les accompagnent dans cette tâche.

Red Bull est une marque qui a compris depuis longtemps qu’en soutenant les pratiques qui l’intéressaient, ils bénéficieraient de retombées très intéressantes. Autre exemple, un sport aussi « intimiste » que le VTT trial (et pourtant, vu les performances de ces athlètes, c’est incompréhensible) a trouvé en Danny MacAskill un porte-drapeau international. Y serait-il arrivé sans le support de ses partenaires (notamment celui qui est sur son casque) ? On peut également citer Jean-Baptiste Chandelier en parapente.

Ainsi, plus que les chiffres, c’est la gestion qui compte. Beaucoup de marques de l’industrie n’ont pas le temps, ni les ressources humaines, voire l’expertise, pour gérer les athlètes et les recrutements. D’autre part, les marques attendent beaucoup de la part des athlètes sans pour autant les préparer ni leur donner les moyens nécessaires. Fort heureusement, quelques marques sont exemplaires dans cette mission (Ex : Salomon). Mais déléguer en externe, pour recruter, formater, voire benchmarker les athlètes qui correspondent à vos valeurs peut alors s’avérer efficace.

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L’objectif ultime : le long terme

Si le sponsoring a été véritablement efficace, alors certaines des valeurs associées à l’athlète sponsorisé « déteindront » sur la marque sponsor : c’est le retour sur investissement, le graal en terme de partenariat. On vous voit venir : oui, ça se mesure ces choses-là ! 

Mais pour arriver à ce stade, il faut voir le sponsoring sur le long terme, car le transfert de valeurs est un processus long et fragile. Les sponsors les plus efficaces l’ont d’ailleurs compris depuis longtemps. En ce qui concerne le retour sur investissement concret (les spécialistes de la communication l’ont tous déjà entendu, « vous ne faites que dépenser l’argent de la boîte »), la question nécessite un débat en soi, qui sera notre prochain article.

À bientôt !

Crédits photo : Peignée Verticale, ISMF, Dave Trumpore

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